not all men ?
- jacantigone
- 28 sept. 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept. 2024

TW: VSS (violences sexistes et sexuelles)
Cet article est basé sur des sources, celles-ci seront relayées à la fin. Dans le texte je mettrai juste le nom de l'auteurice ou du site entre parenthèses.
Vous l'avez surement revu surgir, le #notallmen enflamme de nouveau ce très cher internet. On va le décrypter ensemble et y répondre. Bien sûr, ça a déjà été fait avant. Je pense pour autant que face à une incompréhension complète des arguments féministes et aux hommes toujours prêts à faire "ouin ouin" dès qu'il y a une nouvelle affaire, ma contribution ne sera pas de trop.
les viols et féminicides en chiffre
Commençons par l'évidence des chiffres:
le 18/09/2024 la barre des 100 féminicides depuis le début de l'année a été franchie en France (noustoutes).
Le féminicide est défini par deux critères :
Le meurtre d’une femme en raison de son genre
Le rôle du patriarcat comme système de pouvoir et de domination dans la perpétuation et la banalisation de ce meurtre et des violences sexistes et sexuelles en général
Il y a un viol ou une tentative de viol en France toutes les 2min30. En 2021 il y a eu 210.000 viols ou tentatives.
Je mettrai plus de chiffres plus tard mais ces deux-ci permettent déjà de voir que les violences sexistes existent et sont un phénomène extrêmement fréquent.
Qui viole/tue qui ?
J'aime bien les podcasts de true crime. Le problème c'est que dans ce genre de contenu, ce qui est recherché c'est l'horreur, la singularité des faits. Pourtant quand on regarde, il y a des schémas qui se répètent dans ces affaires, bien loin de ceux auxquels tout le monde s'attend.
la culture du viol
Vous avez vu Twilight ? Edward rentre dans la chambre de Bella la nuit pour la regarder dormir. Ou Blanche-Neige, qui se fait embrasser alors qu'elle dort. Vous avez ouvert tiktok ? Les mecs font allusion à Berserk en disant "je vais la griffith" (ils parlent en général de leur crush) alors que le perso viole une meuf. Ahah hilarant.
Amnesty et SOS viol ont menés une enquête en 2020 qui montre que 33 % des Belges pensent que les femmes ont tendance à accuser à tort. Puis 84% pensent que les femmes sexy ou provocantes seraient d’avantage victimes. Selon 24% des jeunes interrogé.é.s, les femmes aiment être forcées, la violence serait « sexuellement excitante ». « Aimer être forcé » c’est quand même un antonyme assez évident normalement. Si les gens aiment, iels ne sont pas forcé.e.s.
Pour le coupable les Belges pensent quand même à 14% que les personnes d'origine étrangère seraient les plus susceptibles de commettre une agression sexuelle ou un viol.
le consentement
Tout le monde parle du concept, mais est-ce que vous savez vraiment ce que c'est ?
Première étape : Est-ce qu'on est capable de consentir ? Cette question dépend de plusieurs facteurs :
l'âge : les enfants ne comprennent pas ce qu'implique la sexualité. En Belgique l'âge légal de consentement est de 16 ans.
l'état : est-ce que la personne est consciente ? Est-ce que la personne a les capacités mentales pour consentir ? Est-ce que la personne est suffisamment sobre pour consentir ? Si une de ces questions n'est pas positive ou que vous n'êtes pas sur.e il n'y a pas de consentement.
Deuxième étape : Est-ce que la situation est égalitaire ? Par exemple, un rapport d'autorité qui rend compliqué le fait de dire non, la demande a été pressante et quelqu'un s'est senti obligé d'accepter, il y a eu du chantage, l'une des personnes se sent redevable, etc.
Dernière étape : A quoi est-ce qu'on consent ? Il faut que toutes les personnes concernées se concertent sur ce qu'il va se passer et que de temps en temps, on vérifie que tout se passe bien pour tout le monde. C'est très important que dès qu'une personne est mal à l'aise, hésite, tout s'arrête.
Là vous vous dites peut-être que ça vous est déjà arrivé de douter, de vous forcer, de mettre la pression à quelqu’un. Parce que ça parait tellement normal que quand tu as amené ton date dans ton lit il va y avoir du sexe que tu n’as pas osé dire non. Parce que ça faisait longtemps que tu n’avais pas couché avec ta ou ton partenaire et que tu as insisté alors qu’iel était pas très chaud.e. Et jamais tu ne t’es dit « peut-être que ça c’était un viol ». Parce que quand on te parle de viol, tu imagines des gens qui se font tabasser, menacer.
Pareil pour la violence conjugale en vrai. Ton pote qui fouille le téléphone de sa copine, tu trouves que c’est pas terrible mais bon il la frappe pas. Ton père qui crie sur ta mère, qui fracasse des assiettes, tu te dis qu’il a du mal à gérer sa colère mais le reste du temps il est pas méchant. Ben en fait, ça aussi c’est de la violence.
le coupable
le genre
Déjà, le genre. Les crimes de violence (dits d'atteinte à la personne) sont commis en majorité par des hommes (79.8%). Pour les crimes à caractères sexuels on est carrément sur 96.5% des cas en 2019. (Insee).
Donc, peut-être que tous les hommes ne sont pas des agresseurs ou des meurtriers mais dans les agresseurs et meurtriers c'est majoritairement des hommes.
la nationalité
Ensuite, Marion Maréchal va être fâchée mais les VSS ne sont pas forcément commises par des étrangers. Déjà parce qu'en France TOUS les crimes et délits sont commis en majorité par des Français.e.s. Pour les infractions à caractère sexuel on a 13,5% des mis en cause qui n'ont pas la nationalité française. Cette définition des étrangers est très vaste et que sur les presque 6 millions d'étrangers vivant en France 2.1 millions ont une nationalité européenne. (Insee)
Donc on peut oublier les préjugés xénophobes.
le statut social
Pareil, déso les fachos mais le violeur n'est pas forcément pauvre ni inconnu. Pour rappel, voici des gens qui ont été condamné et qui gagnaient bien leur vie :
Harvey Weinstein, producteur de cinéma, condamné pour viol à plusieurs reprises (Le Monde)
Roman Polanski, réalisateur, condamné pour viol sur mineure en 1977 et toujours en fuite (il devait être rejugé).
Bernard Cantat, chanteur, condamné pour le meurtre de sa compagne en (un féminicide)
Oscar Pistorius, athlète, condamné pour le meurtre de sa compagne en 2015 (Le Monde)
Franchement je pourrais continuer cette liste très longtemps mais vous avez l'idée.
le rapport de connaissance
L'agresseur c'est aussi souvent votre voisin, votre patron, votre prof de yoga. Bref des gens que la victime connaît. Au total, ces viols représentent plus de 9 cas sur 10. (cadre vie et sécurité, 2019)
Alors non, les victimes ne sont pas violées dans des ruelles tard le soir. Et puis, ce chiffre permet aussi de balayer les prétendus arguments sur l'habillement. Si les agresseurs violent des personnes qu'ils connaissent, ce n'est pas parce qu'elles portent des jupes courtes.
La majorité des femmes tuées le sont lors d'homicides conjugaux (79% des cas, insee). Les femmes représentent la majorité des victimes d'homicide dans la famille (66% des cas, insee).
les enfants, autres victimes
Ce qui est intéressant dans le mot "patriarcat" c'est qu'il renvoie à la figure du père. Et dans la famille nucléaire, le père domine non seulement sa femme mais aussi ses enfants. Les enfants font directement partie des victimes du système patriarcal. Les enfants de moins de 2 ans représentent presque 14% des victimes d'homicide intrafamiliaux. (Insee)
Les enfants aussi sont victimes de violences sexuelles, souvent au cadre de leur famille. Ces violences ciblent plus les petites filles mais sont réparties entre les genres. Elles commencent souvent très jeune et ont lieu dans tous les milieux sociaux. ( Bajos, Marsicano, Pousson).
Les femmes coupables et l’oppression systémique
Les mascus adorent ramener les femmes coupables sur la table dès qu’on parle de violence patriarcale. Du coup, on va en parler.
Déjà, je vais commencer par quelque chose qui me semble évident mais pourtant nécessaire à rappeler, je crois les victimes. Toujours. Et si j’apprends qu’une femme est une agresseuse, je m’éloignerai d’elle. Parce que globalement, j’ai pas envie de trainer avec des personnes violentes. Rien dans cet article ne vise à dire que les femmes sont toutes innocentes de tous les crimes.
Ensuite, ce que vous avez loupé dans mon propos c’est l’oppression systémique. Dans systémique on entend « système » et c’est complétement ça. Le patriarcat c’est un système d’oppression en pyramide qui existe depuis vraiment vraiment extrêmement longtemps et qui s’étend à pleins de domaines. Les violences sexistes et sexuelles, qui sont le sujet de cet article, ce n’est qu’un des aspects du patriarcat. On peut à la louche citer les inégalités de droit, l’effacement des femmes de l’Histoire, la charge mentale du foyer, les inégalités de richesse comme autres pans de cette oppression. Ce qui est systémique aussi c’est la façon dont la société (la loi, la culture, les médias, etc.) protègent les hommes qui agressent. Et les hommes agressent les femmes, les enfants et les minorités de genre parce qu’ils se sentent supérieurs, ça va au-delà d’un rapport entre individus.
La justice
Depuis le début, je ne vous ai donné presque que des chiffres qui reflètent les crimes qui aboutissent à une vraie condamnation. Le problème c'est que la justice est inefficace dans le domaine. C'est pas seulement moi qui le dit (même si je le pense fort) ce sont les chiffres. En Belgique, 53% des affaires de viols sont classées sans suite. je vous rappelle au cas où que classé sans suite ne veut pas dire que l'accusé est innocent. Juste que la justice estime ne pas avoir assez d'éléments pour condamner.
Il est difficile de savoir combien de victimes portent plainte. Honnêtement je n'ai pas trouvé de statistiques très fiables. Mais on sait que c'est moins de 30% des victimes.
Et du coup ?
Là vous vous dites peut-être, super Jac, je viens de lire ton article un peu long avec des stats de partout et pourtant je ne suis pas convaincu.
Ce que je vous ai exposé, c'est que n'importe quel homme peut être agresseur. C'est aussi que toutes les femmes (je sais, ce n'est pas exactement ce que disent les chiffres) ont été victimes de violences sexistes ou sexuelles.
Je l'ai mis en avant pour les enfants mais c'est vrai également chez les adultes, les hommes qui sont victimes de viol sont en majorité aussi agressé par des hommes.
Et même si tu n'as pas agressé toi-même :
tu profites de l'impunité
tu ne reprends pas tes potes quand ils le font
tu peux parler mal des filles
tu remets en cause la parole des victimes
tu te dis que quand même Depardieu c'est un monument de la culture
Et franchement j’ai 1000 autres exemples.
Ces violences, non seulement tu ne les subis pas mais en plus elles deviennent impossibles, invisibles à tes yeux.
Alors quand tu commentes la jupe d'une fille, tu ne comprends pas pourquoi elle a peur. Mais peut-être que quelqu'un a essayé de filmer en dessous, peut-être que quelqu'un a touché sa cuisse, peut-être qu'on l'a suivi jusque chez elle.
Le truc c'est que toi, t'as beau pas te sentir coupable, tu nous fais peur quand même.
Bibliographie
noustoutes.org : chiffre des féminicides par l'IOF
Rapport d'enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) - 2022 / SSMSI - Ministère de l'Intérieur (interieur.gouv.fr) : chiffre viols et tentatives. Ce rapport est décrypté sur noustoutes.org
Sondage sur le viol : chiffres 2020 - Amnesty International Belgique : opinion des Belges sur le viol.
Insee, sécurité et société, édition 2021, consultable sur insee.fr : répartition genrée et par nationalité des crimes et délits
Insee, Répartition des étrangers par nationalité de 2018 à 2023, consultable sur insee.fr
Le Monde, "Harvey Weinstein condamné à seize ans de prison supplémentaires pour viol" consultable sur : Harvey Weinstein condamné à seize ans de prison supplémentaires pour viol (lemonde.fr)
, France info, Affaire Roman Polanski : quelles sont les accusations portées contre le réalisateur depuis 1977 ?, consultable sur : francetvinfo.fr
France info, Vingt ans après la mort de Marie Trintignant, le traitement des féminicides et la lutte contre les violences conjugales ont considérablement changé, consultable sur : francetvinfo.fr
Le Monde Afrique, "Oscar Pistorius reconnu coupable de meurtre", 03/12/2015 consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/07/21/le-parquet-fait-appel-de-la-condamnation-d-oscar-pistorius-a-six-ans-de-prison_4972783_3212.html
Rapport d'enquête "cadre de vie et sécurité" 2019, téléchargeable sur www.interieur.gouv.fr : le rapport de connaissance
Elise Marsicano, Nathalie Bajos et Jeanna-eve Pousson, 2023, Violences sexuelles durant l’enfance et l’adolescence : des agressions familiales dont on parle peu, Population et Sociétés, n° 61

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