La pénétration, une analyse philosophique
- jacantigone
- 2 sept.
- 5 min de lecture
Bonjour et bienvenue dans cet article de philo wouhou. Ce n'est clairement pas un contenu de qualité universitaire, je n'ai pas fait de recherches de fous, c'est plus mon analyse en tant que personne qui aime la philo et qui a lu des trucs.
Matérialisme hétérosexuel
La pénétration c'est clairement une des bases de l'hétérosexualité. Avant les rapports de genres, la division des tâches l'hétérosexualité c'est d'abord, comme le mot l'implique des rapports sexuels entre un homme (cisgenre) et une femme (cisgenre). Pour des raisons surement liées à la biologie ses rapports sexuels sont centrés sur l'idée de pénétration vaginale.
Et pour que ce rapport soit fructueux, pour qu'il mène à une grossesse et donc à une descendance, ce qui compte c'est l'éjaculation. Ca c'est un constat très facile à faire dès les premiers temps de l'humanité, pour survivre en tant qu'espèce il faut que des hommes (cisgenres) pénètrent des femmes (cisgenres) et qu'il y ait éjaculation.
Si il y a fécondation c'est la femme qui va porter l'enfant pendant 9 mois, accoucher, le nourrir au sein. Ca c'est la matérialité hétéro la plus basique. Mais on pense à partir de la matière. L'humain ajoute une valeur symbolique aux faits.
Donc l'imaginaire se construit sur l'idée que :
c'est le plaisir de l'homme qui compte (même si l'éjaculation n'est pas synonyme de plaisir sexuel, c'est quand même le cas en majorité)
la femme est réceptrice
la femme a un lien particulier avec l'enfant puisqu'elle le porte et le nourris
Construction patriarcale
Ce qu'il faut ce dire c'est que bien qu'elles aient pu et puissent toujours sembler comme des déductions logiques ces idées ne sont qu'une des interprétations possibles de la situation. Et même si on accepte ces idées, elles ne sont pas en elles-mêmes une hiérarchisation entre les sexes.
Sur cette base, se construit un imaginaire binaire où les sexes deviennent plus que des caractéristiques physiologiques mais aussi une classe sociale, c'est la création du genre.
La femme devient associée à l'idée de creux (par association avec le vagin). Elle n'est pas complète. Les femmes deviennent symboles d'intériorité, autant physique que métaphorique. Elle s'occupe du foyer, sorte d'extension de son utérus où elle protège, prend soin et nourris. Elle s'occupe des enfants et des vieux. Elle est liée au corps et aux émotions. Elle est au service de la famille.
L'homme a littéralement un membre vers l'extérieur, l'imaginaire le veut presque détaché de sa propre personne. Il est celui qui sort, pour se battre, pour travailler. Il est celui qui doit être le cerveau, qui manœuvre politiquement, puisque dès qu'il y a groupe il y a rapport de force.
La vie extérieure et publique n'est pas en elle-même plus importante que l'harmonie intérieure mais avec la conception de famille, l'homme devient un représentant à la fois de ceux qui ne savent pas ou plus le faire (les enfants, les vieux, les personnes atteintes de handicap) mais aussi de sa femme. Elle devient une possession parce qu'une tromperie pourrai vouloir dire un enfant illégitime. Mais aussi parce qu'elle est gardienne de l'intériorité et donc de ce qu'on ne voudrait pas voir exposé (les finances, les maladies, etc.
Féminisme matérialiste
AH, c'est le moment où je vous parle de Monique Wittig. Féministe et lesbienne française elle est une des fondatrices du MLF (mouvement de libération des femmes). Elle est pourtant poussée à s'exiler par les féministes françaises dérangées de la voir mélanger féminisme et lesbianisme.
En 76 quand elle arrive au Etats-Unis, elle écrit deux essais One is not born a woman et The Straight mind. Dedans, elle construit l'idée que l'hétérosexualité est un système de domination et d'oppression à la base de la création des distinctions de genres. Elle développe comme suit :
« les lesbiennes ne sont pas des femmes » (1980a) car « ce qui fait une femme c’est une relation sociale particulière à un homme, […] relation à laquelle les lesbiennes échappent en refusant de devenir ou de rester hétérosexuelles » (Wittig citée par Costello et Eloit)
La lesbienne n'appartient pas à l'homme puisqu'il ne la pénètre pas, elle ne porte donc pas son enfant. Ces deux critères basant symboliquement la relation hétérosexuelle et les conceptions patriarcales, Wittig estime que les lesbiennes sont pas matériellement des femmes.
La respectabilité queer
Les relations homosexuelles ont toujours existées et sont documentées dans pleins de civilisation différentes. Cependant, l'acceptation de la communauté LGBT est venue avec une standardisation de celle-ci. L'homosexualité avait besoin de se parer des codes hétérosexuels pour devenir respectable. Evidemment que les couples exclusifs de longue durée existaient entre personnes queers mais ces relations n'étaient pas une norme dans la communauté.
Avec le mariage et l'adoption, la communauté queer a perdu son côté étrange, anormal par rapport aux relations hétérosexuelles. Sans parler des dominations racistes et sexistes qui ne nous épargnent pas.
La communauté gay a particulièrement reproduit les clichés de la pénétration, avec l'idée d'un homme plus jeune, plus "féminin" (selon les codes patriarcaux évoqués plus haut) comme pénétré. Le terme francophone "passif" est très parlant pour exprimer le fait de se faire pénétrer. Il reproduit l'idée que celui qui pénètre est celui qui décide, qui a de la force et de l'aura. Encore une fois, cet imaginaire n'est pas basés sur les faits, d'autant plus qu'il dissimule tout l'action qui entre en compte dans le fait de se faire pénétrer, surtout dans du sexe anal.
Les personnes trans aussi sont vues comme plus faibles et plus soumises, soit tu as une vulve et donc tu es soumis soit tu est une femme et donc tu es soumise. Les personnes trans deviennent alors des fantasmes homoérotiques plus acceptables pour des cisgenres. Ils essentialisent nos organes génitaux parce qu'ils vénèrent presque les leurs.
Repenser nos pratiques
J'estime toujours que penser doit mener à l'action, ou en tout cas à une forme de performativité (la pensée qui en elle-même est action). Je pense que se rendre compte des symboles qui sous-tendent nos actes permet de les repenser à notre sauce.
Cet article n'a pas pour but de dire que la pénétration, la monogamie ou l'hétérosexualité enferment. Plus de se dire qu'en y réfléchissant, on peut faire autre chose de nos désirs. Au moins dans votre lit vous pouvez vous dire que se faire pénétrer ce n'est pas se soumettre. Au moins vous pouvez faire de votre couple un choix éclairé de division des tâches, de partage de vie.
C'est en comprenant la pensée de Wittig que j'ai penser ma non-binarité alors que je ne pense pas que c'est quelque chose qu'elle envisageait. C'est en voulant déconstruire le calque patriarcal que j'envisage mes relations queers autant amicales que romantiques. Réfléchir c'est se créer de nouveau possibles.
notes
Butler Judith, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, traduction de Cynthia Kraus, La découverte, 2006
Costello, Katherine; Eloit, Ilana: « Monique Wittig (ou le lesbianisme intraduisible) ». Dictionnaire du genre en traduction / Dictionary of Gender in Translation / Diccionario del género en traducción. ISSN: 2967-3623. Mis en ligne le 24 mai 2021: https://worldgender.cnrs.fr/notices/monique-wittig-ou-le-lesbianisme-intraduisible/.
Wittig Monique, La pensée Straight, Editions Amsterdam, 2018

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