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Les nazis ou la figure du monstre en politique

  • jacantigone
  • 8 juin
  • 9 min de lecture

TW : mentions de la Shoah, de l'esclavage, de la colonialisation, racisme

Le ton de cet article est assez sarcastique, parce que moi ça m'aide à gérer l'atrocité, je vous déconseille la lecture si vous c'est quelque chose qui vous met mal à l'aise.

je pense que dans une certaine mesure, cet article reprend certains thèmes du "not all men" parce que la figure du monstre est un mythe qui s'applique aussi bien à la sphère publique (ici la politique) et à la sphère privée, évidemment je vous conseille cet article si vous ne l'avez pas lu

rappel historique vite fait

Au départ le terme nazisme recouvre l'idéologie du parti allemand NSDAP fondé en 1919 et restructuré par Adolf en 1921. le parti est fondé sur une idéologie raciste qui institue une hiérarchie entre les ethnies. Cette hiérarchie se veut à l'origine de leurs autres projets comme la conquête de l'Europe. Dans Mein Kampf, le projet de conquête de l'Europe n'est présenté que comme le moyen d'appliquer le racisme d'état : les allemands sont le peuple supérieur donc ils envahissent les états voisins pour "purifier" leur population avec les bons gènes allemands (c'est la logique du bouquin hein, moi je suis en train de rouler mes yeux à l'intérieur de mon crâne). Vous connaissez la suite, prise du pouvoir en Allemagne, annexion de l'Autriche, invasion de l'Europe. Et tout le long, génocide : 6 millions de juifs et 1 million de gens du voyage fusillés, déportés en ghettos et en camp, gazés. Travailleurs gratuits que l'on laisse crever de faim et de fatigue, ossements enterrés en fosse commune avec des milliers d'autres. Vol des cheveux, des photos, des dents en or, des chaussures et des vêtements, et jusque leur peaux tatouées pour effacer leurs noms.


Mais le nazisme pour les blancs européens c'était surtout un régime contre qui on a fait la guerre et contre qui on a gagné. Entendu par là que ce ne sont pas les idéologies racistes que l'Europe a d'abord combattu mais un régime qui voulait envahir les territoires nationaux. Avec le recul, il est facile pour les pays occidentaux de se donner le beau rôle de défenseur des opprimés face aux méchants allemands mais à l'époque ce n'était pas comme ça que les états envisageaient le problème. On remarquera d'ailleurs qu'une fois les pays conquis, la plupart des structures se soumettent à la déportation des Juifs dans les camps.


Un régime raciste

Comme je l'ai expliqué dans la rubrique précédente le nazisme est un régime basé sur le racisme.

Un racisme qui institue une hiérarchie entre les peuples et qui place au sommet la race aryenne et au bas de la pyramide les Juifs et Juives. Et quand on dit Juifs et Juives il faut le voir au sens large puisque cela concerne en réalité toutes les personnes d'origine juive plus ou moins lointaine. l'idée n'est pas du tout nouvelle : on la retrouve dans tous les théoriciens du racisme scientifique, que leur recherche servent à justifier l'apartheid en Afrique du Sud, les lois Jim Craw aux Etats-Unis ou l'antisémitisme européen. "Si Hitler se présente comme un théoricien novateur, le mythe qu’il développe à propos des Juifs puise ses racines dans le passé fort ancien de l’antisémitisme chrétien et celui de l’antisémitisme moderne né au XIXe siècle." (enseigner l'histoire de la Shoah)

Aujourd'hui on sait qu'il n'y a actuellement sur Terre qu'une seule race humaine. Et bien qu'il y ait plusieurs sous-groupes identifiables, ils ne correspondent ni à des ethnies ni à des couleurs de peaux.

Ce qui marque l'histoire c'est la logique concentrationnaire et d'extermination des nazis. En plus d'être un régime fasciste et basé sur le racisme, ils vont organiser un génocide méthodiquement. Le génocide est un concept qui existait déjà, on peut par exemple citer le génocide arménien opéré par le pouvoir ottoman pendant la première guerre mondiale. La Shoah a comme particularité d'être une destruction à très grande échelle puisque la déportation commence en Allemagne en 1933 et s'étend à tous les pays colonisés jusque la libération des camps : le Stutthof en Pologne est libéré le 9 mai 1945.


Mais le régime nazi est loin d'avoir été le seul système raciste.


le colonialisme (ou l'Europe qui fait l'autruche)

Pourquoi est-ce que se serait trop grave de comparer un autre crime à ceux du 3e Reich ?

L'Histoire de l'Europe qu'on nous raconte à l'école c'est globalement des guerres pour agrandir son territoire et en fonction de l'influence culturelle ressentie l'idée que ses invasions seraient une bonne ou une mauvaise chose.

Par exemple la république romaine et puis plus tard l'Empire romain ont une image culturelle valorisée (l'art de la guerre, la loi romaine) et donc c'est vu comme quelque chose de positif que le régime ait occupé tout le pourtour de la Méditerranée et l'Europe de l'Ouest à son apogée. Alors que clairement, il y avait d'autres cultures sur ces terres avant et il y en a eu d'autre après. Et d'un point de vue scientifique, le fait de les hiérarchiser n'a pas beaucoup de sens. Pourtant toute la culture occidentale vise à penser certaines cultures supérieures aux autres. l'idée même de penser des civilisations qui s'entrechoquent et se succèdent ne correspond pas aux accords politiques et aux échanges culturels qui ont toujours existé autant que les conflits.

Le mythe de l'Occident chrétien souverain naît au moment où des royaumes musulmans conquièrent la Méditerranée. La religion sert de motivation pour pousser les royaumes chrétiens à se battre contre un ennemi commun plutôt qu'entre eux. C'est aussi pour des raisons politiques que le pape convainc les Croisés d'aller reconquérir "les terres saintes" (comprenez la Palestine). C'est à partir de cette vision de son Histoire que l'Europe envisage son rapport au reste du monde encore aujourd'hui.

au XVe siècle, les techniques de navigation se développent et les puissances européennes en profite pour aller chercher les épices maintenant que passer par la terre n'est plus possible. Au départ le but c'est le pognon. Pas que les premiers navigateurs aient été particulièrement sympas avec les locaux, mais ce n'est pas leurs terres qui les intéressent. Les occidentaux viennent spolier des richesses (surtout l'or et les épices mais aussi la soie, la porcelaine chinoise, etc.) et puis les ramener en Europe. Comme je l'ai dit plus tôt, dans la vision chrétienne du monde, les païens sont plus primitifs et donc c'est moins grave si on les asservit. En plus, si on les convertit ils iront au paradis, en vrai on leur rend service.

Christophe Colomb se retrouve un peu par hasard en Amérique et oh, un grand territoire fertile, des ressources intéressantes (l'or évidemment mais aussi le sucre, le café, le chocolat, le coton) et hop rebelote, on spolie, on tue, on envahit.

Vous la voyez la pipeline coloniale ? Au bout d'un moment, passer par les endroits qui ont des richesses ne suffit plus alors on s'y installe et si les locaux ne sont pas d'accord, tant pis, c'est qu'ils sont influencés par le diable.

C'est sur cette base que se crée une idéologie raciste : les européens blancs chrétiens ont compris le message du Christ et on développé une civilisation alors que les africains et les natifs américains sont primitifs. l'Européen change de climat comme un parasite, sème des hommes armés de Bible et de fusils partout sur le globe. Et donc il y a une hiérarchie qui donne le droit à l'homme blanc d'asservir les ignorants. C'est de là que ca vient "on leur a apporté la civilisation" mais non tonton raciste, il y avait déjà une culture et une civilisation ce que tu essaies de dire c'est que tu penses que la culture chrétienne occidentale est mieux. Et ça bah tu vois, ça n'a aucune valeur scientifique mais c'est plutôt pratique pour se déculpabiliser de toutes les violences et de l'acculturation massive.

Les Juifs ont toujours été un peuple de diaspora (déjà dans la Bible), ils sont là tout le Moyen-Age, ils ont leur villages, leurs cimetières, leurs quartiers et leurs synagogues. Mais ils sont pas comme nous alors dès qu'il y a un problème c'est de leur faute. La chrétienté gère la peste à coups de pogroms, et en France au XIX il suffit qu'un type soit juif pour être coupable d'une fuite militaire (l'affaire Dreyfus).

ok la colonisation c'est raciste, super. Mais contrairement au nazisme les colons n'ont pas commis de violences de masses… attends bah si totalement.

Passer le stade de la sidération où le peuple colonisé se demande ce qu'il se passe et pourquoi les gens avec qui ils faisaient du commerce (y compris en vendant comme esclaves les salauds de la tribu d'à côté) les attaquent bah la réaction s'organise. Mais le colon blanc, ça ne l'arrange pas du tout que plus personnes ne sortent l'or des mines ou que les natifs américains soient presque tous morts. On va quand même pas travailler nous même. C'est là que se lance la violence de masse.

Kidnapper des gens pour les déporter de force de l'autre côté de l'Atlantique dans des bateaux bondés, séparer les familles, leur enlever leur langue, leur religion, les faire travailler de force, violer les femmes, lyncher ceux et celles qui résistent. Séparer les toilettes, les quartiers, les magasins, les places dans le bus, les métiers et jusque l'eau qu'on boit. Pas d'argent, pas de place, pas d'éducation, pas d'accès au soin.

Et en Afrique les blancs qui débarquent et se séparent la terre comme si c'était leur cour de récré. Là aussi la conversion, l'oubli de la langue, le travail forcé, les coups, et on te coupera la main si tu voles quelque chose. Et si un village algérien se révolte on les enfermera dans une grotte et on les enfumera comme des rats.

Mais attention : c'est pas pareil que les nazis, eux ils torturent des blancs, ils brûlent des églises remplies de bons villageois chrétiens, ils colonisent l'Europe de Charlemagne et la Russie des Tsars. Je force le trait pour être choquant, je vous provoque mais ce que je veux que vous voyez c'est que se sont les mêmes mécanismes, les mêmes idéologies et jusqu'au mêmes techniques.

Le nazisme et le colonialisme, collection printemps été 2025

Maintenant, on se dit que la colonisation c'est fini, que les peuples sont souverains, vive la liberté et le capitalisme. Mais ça c'est vrai que pour les riches. Alors les blancs il leur faut pas grand chose pour se mettre à se dire que s'il y a pas de travail c'est de la faute des arabes. Mais le mythe a toujours été colonial, les pays sont en dette, les standards sont ceux des blancs, et la terre n'est toujours pas aux habitants. Ce ne sont plus les états coloniaux mais les multinationales qui possèdent les champs et les mines. Maintenant c'est elles qui glissent des billets dans les poches de costume de dirigeants véreux, et pour qu'on détourne le regard montrent du doigts les trans. C'est tellement plus facile de s'attaquer à plus vulnérable, à plus précaire, à plus isolé.

Se dire qu'on ne peut rien comparer au nazisme, c'est ériger le nazisme au rang de monstre. Un monstre ça n'a pas d'origine, ça n'a pas d'ancrage et une fois que c'est terrassé c'est mort. Au contraire, le nazisme et le colonialisme sont des concepts historiques, dont les conséquences modifient encore notre monde actuellement. A ce titre, c'est important qu'ils nous servent de comparaison, de points de repères pour qu'on soit capables d'être plus vigilants, plus efficaces. Si Hannah Arendt nous a appris quelque chose, c'est bien que les nazis n'étaient pas des monstres mais des humains. Et en soit, c'est bien pire. Ca veut dire que n'importe qui peut-être un fasciste. Pas besoin d'avoir des yeux rouges, de frapper sa femme et de boire du sang. Il suffit de fermer les yeux, de laisser faire, d'obéir.

Comparer des autres crimes aux crimes nazis ne visent en rien à diminuer l'horreur du régime. En disant que d'autres régimes ont commis ou commettent parfois des actes similaires, le but n'est pas de dédramatiser le IIIe Reich mais de comprendre les mécanismes du totalitarisme et en quoi ils se répètent.

C'est important de voir le nazisme comme le résultat politique de plusieurs facteurs : la crise de 1939, la fascisation de l'Europe de l'époque avec le régime italien et la guerre d'Espagne, la peur du communisme russe, un antisémitisme généralisé.


Faisons attention maintenant, d'agir tant qu'il est temps alors que la politique devient de plus en plus brune. Soutenons les personnes trans et surtout les femmes trans toute l'année. Soutenons les demandeur·euse·s d'asile, le peuple Palestinien, les sans chez soi et toustes les autres laissé·e·s pour compte.


Biblio (militant de gôche t'as peur)

Sur le racisme et la décolonialisation :

Histoires crépues (@histoires_crepues sur instagram) notamment sur les controverses de Claudy Siar et Jean-Michel Apati

Norman Ajari, Le Manifeste afro-décolonial : le rêve oublié de la politique radicale noire, Seuil, 2024.

Estelle Depri, Mécaniques du privilège blanc, Binge audio, 2024

Frank Lao, Décolonisons-nous, JC Lattès, 2023

sur l'extrême droite :

Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme[79] (The Origins of Totalitarianism), 3 volumes (Antisemitism, Imperialism, Totalitarianism), 1951 ; nouvelles éditions en 1958, 1966, 1973. Traduction française en trois ouvrages séparés (puis réunis en un seul volume, Paris, Gallimard, 2002) 

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, trad. A. Guérin, Paris, Gallimard, 1966 ; revue par Michelle-Irène Brudny de Launay, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1991

Institut La Boétie, extrême droite, la résistible ascension,

Robert Paxton (trad. William Olivier Desmond), Le Fascisme en action [« The Anatomy of Fascism »], Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points. Histoire » (no H371), 2007





 
 
 

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