La famille, partie 1
- jacantigone
- 17 déc. 2024
- 3 min de lecture
L'autre jour j'étais à un évènement queer et il y avait un fanzine auquel on pouvait participer. J'adore créer, j'adore écrire, mais si vous lisez ça, vous êtes déjà au courant. Le thème du fanzine c'était la famille et je cite "la choisie ou l'autre".
Le sang
J'aime bien cette expression même si de nos jours on sait qu'on ne partage as vraiment le même sang. Mais l'expression marche pour faire comprendre que même si tu pars, le sang reste dans tes veines et si tu veux survivre, tu dois accepter ça.
Je ne suis pas très proche de ma famille de sang, sauf de ma mère. Ma mère et mon beau-père m'ont élevé ensemble et se sont les seuls membres de ma famille que je mettrais dans un film américain. Pourtant, si je suis proche de ma mère, ce n'est pas seulement par le sang. Je dirais même que c'est très peu lié au sang.
Ma mère et moi on est solidaires parce qu'on a une histoire commune avec un ennemi commun. Et bien sûr, cette relation est influencée par le fait qu'elle est ma mère mais si je l'aime tant, si je lui pardonne certaines choses c'est parce que c'est la seule qui comprend. C'est ça qui fait que ma mère fait partie des deux types de famille.
Lililas n'est pas théoriquement mon sang et pour moi, c'est une chose de plus qui rend notre relation spéciale. c'est peut-être parce qu'il m'a choisi (ou en tout cas qu'il a choisi d'être là) que c'est si spécial. C'est peut-être parce que je sais qu'il n'est là ni par obligation morale ni pour l'amour de ma mère mais parce qu'il m'aime moi, que moi je compte pour lui. On dit parfois dans les films "il l'a élevé comme sa fille". Je ne pense pas que ce soit le cas. Il m'a élevé sans même avoir ce droit, mon père jaloux se chargeait de le rappeler. Il n'est pas mon père, il est bien mieux que ça.
Il y a mon père, qui a le sang et qui a eu l'enfance. Il a eu les larmes et il a forcé les sourires. Maintenant il n'a plus le droit qu'aux souvenirs. Moi je les ai enfui, dans le puits de la mémoire et parfois, il y en a qui reviennent flotter à la surface. Il avait le sang et il en a profité pour tout salir, tout gâcher.
Il y a mes sœurs et mes grands-parents. Ils existent dans un monde où l'ogre est en vie et parfois, rien que de le savoir je n'arrive pas à m'approcher d'eux. Leur version de moi était une photo d'une fille timide aux grandes lunettes. Elle est fragile, elle a peur, elle ne sait pas dormir. Elle est intelligente mais elle n'est jamais vraiment là, toujours la tête dans les nuages.
Moi je me souviens d'avoir été cette fille là, ou en tant cas d'avoir voulu l'être, mais j'étais déjà plus.
Noël a tendance à me rappeler cette fille. Comme elle j'ai le ventre qui se noue à cause de l'angoisse. Bientôt les examens qu'on réussira sans se sentir assez bien, le trou des cadeaux dans le compte en banque. Pour l'instant, l'inconfort de la tenue de fête, la bouffe pas vraiment bonne et tout ce bruit qui remplit la tête. Le père enverra un message de joyeux Noël, comme si ça ne faisait pas déjà trois Noëls qu'on ne lui parle plus. La grand-mère qui demande si on va continuer les tatouages d'un air réprobateur, le prosecco tiède qui monte à la tête, le livre qu'on déballe et qu'on ne lira pas. Les regards de détresse à maman, elle est aussi mal à l'aise.
Puis le réveillon passe et c'est reparti pour un tour du soleil, le fantôme du passé d'une fille maigrichonne aux grosses lunettes s'en va, plus de famille avant un long moment.
Moi, j'attends le printemps avec envie, bientôt les fleurs et la lumière.

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